Lorsque j’ai emménagé dans le Xème arrondissement de Paris, à la fin des années 80, c’était un quartier bigarré, avec des commerces traditionnels parfois très anciens qui côtoyaient des ateliers plus ou moins clandestins encore en activité et des bistrots où se mêlaient prolétaires, délinquants et bourgeois. Aujourd’hui, sous l’effet conjugué de la hausse du prix du foncier et de la chasse de toutes les activités que notre société, de moins en moins permissive, réprouve, qu’il s’agisse de débits de boissons, de vente de produits illicites, d’emploi de personnel non déclaré ou de prostitution, les spécificités du Faubourg Saint-Denis se sont largement estompées.
La rue Martel, autrefois industrieuse et bordée de maisons décaties est devenue une voie chic et apprêtée, où les nouveaux habitants se pressent dans des établissements à leur image. Les restaurants y proposent des mets du monde entier et on y compte pas moins de quatre lieux à vocation artistique en moins de cinquante mètres : l’Enseigne des Oudin et la galerie Wallworks au 4, la galerie Martel au 17 et la galerie Rachel Hardouin au 15, en étage.
C’est dans ce dernier lieu que Cécilia Jauniau, photographe et dessinatrice présente ses œuvres actuellement. Contrairement à ce que le titre de son exposition « Rue Haxo » pourrait faire croire, il ne s’agit pas de vue d’immeubles incitant à la nostalgie, mais d’une série d’autoportraits en noir et blanc, bien vivants et bien actuels, mettant en exergue des parties intimes de son anatomie, de nature à exacerber chez les visiteurs les délices du fétichisme et du voyeurisme.
On trouve de magnifiques photographies originales extraites de son livre -également intitulé « Rue Haxo », aux éditions de l’Espace d’en bas- qui a reçu le prix Sade du livre d’artiste en 2023. On s’arrête devant ses collages mélangeant photos personnelles et dessins. On contemple ses dessins intimistes. Les prix s’étalent de 500 à 800 euros.
L’ensemble est à la fois raffiné, précis, sobre et terriblement érotique.
Cécilia Jauniau est exposée
à la galerie Rachel Hardouin,
15 rue Martel, 75010 Paris
(au 4ème étage)
jusqu’au 27 avril 2024.
Photo Arnaud-Louis Chevallier