La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Jean-Christophe Ditróy à la galerie Raulin-Pompidou

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Ce qu’il y a de bien, avec les voyages lointains, c’est qu’on en rêve avant de partir, qu’on en profite sur place et qu’on y repense bien après le retour. Pour moi, les vacances commencent dès la montée dans le train ou l’avion et ne s’arrêtent qu’une fois arrivé à la maison.

Même mon dernier vol, de près de douze heures, a constitué une source de petits plaisirs, avec ses micro-siestes quasi-obligatoires, ses collations étranges, ses hôtesses faussement empathiques et sa sélection de films et de musiques. Je profite généralement de mon immobilisation forcée sur mon fauteuil pour regarder tout ce que je voulais aller voir au cinéma mais qui a été retiré de l’affiche avant que mon intention originelle ne se traduise en action. Et même si aucun film ne m’attire particulièrement, il y toujours, sur Air France, un film avec Vincent Lindon. Je n’ai pas d’admiration démesurée pour cet acteur mais généralement ce qu’il tourne se regarde avec aisance. Et il n’existe pas un seul long courrier sur notre compagnie nationale sans qu’au moins un film avec lui ne soit programmé. A se demander s’il n’a pas un lien secret avec la Direction Générale d’Air France.

Sur mon dernier vol, il n’y avait pas un, mais deux films avec Vincent Lindon, dont un réalisé par l’ancien Monsieur Oizo, vraisemblablement inspiré par « Une sale histoire » de Jean Eustache et par « Le charme discret de la bourgeoisie » de Luis Buñuel, sans toutefois atteindre le degré de subtilité jouissive de ces deux chefs-d’œuvre. On y voit également la délicieuse Léa Seydoux mais, hélas, elle reste habillée jusqu’à la fin. J’en retiens seulement une réplique qui dit, grosso modo, que dans la vie, le rêve est plus important que la réalité. Ça résume bien ma propre pensée : la réalité est poussive, routinière, bassement matérialiste alors que les rêves sont multiples, surprenants et pleins de désirs. Ce sont eux qui donnent de l’épaisseur et du dynamisme à nos existences. Ce sont eux qui nous guident, nous transforment et finissent par interagir avec notre réalité.

De retour à Paris, je me précipite, comme dans un rêve ininterrompu, à un évènement que je ne veux rater sous aucun prétexte : le vernissage de l’exposition de Jean-Christophe Ditróy à la galerie Raulin-Pompidou, située au 37 rue Chanzy, dans le XIème arrondissement. L’artiste n’est pas grand uniquement par la taille. Il maîtrise les techniques du fondu et du dégradé et propose, au travers de vastes et élégantes fresques, des évocations colorées qui sont à même d’être perçues et comprises par notre imaginaire. La qualité et la quantité des toiles exposées, globalement d’une belle homogénéité, amène le visiteur à voyager dans son inconscient, passant d’introspections sensuelles à des flâneries exaltées.

Cette exposition a bien failli ne jamais avoir lieu. Jean-Christophe Ditróy prévoyait de présenter ses œuvres dans un autre lieu en juin prochain. Mais celui-ci ayant fait faillite, c’est in extremis qu’il a été contacté par la galerie Raulin-Pompidou qui doit, elle-même, fermer définitivement ses portes au début de l’année 2025. Les temps sont durs pour les vrais galeristes découvreurs de talents. La baisse générale du pouvoir d’achat, y compris des classes aisées qui ne font pas partie de la petite caste des multimillionnaires, et la financiarisation du marché de l’art sont en train de finir de désagréger un métier déjà éprouvé par l’épidémie de Covid. Beaucoup de propriétaires de galeries se contentent maintenant d’être de simples loueurs d’espace, comme n’importe quel gérant de coworking. Ce sont des voleurs de pauvres et ils ne méritent que d’être laissés en pâture aux black blocs lors de prochaines émeutes. L’art est un combat.

Les tableaux de Jean-Christophe Ditróy n’ont pas de titre. Cela permet à ceux qui les regardent d’y projeter librement leurs pensées.

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Je m’arrête sur celui qui m’évoque un paysage lointain à la tombée de la nuit. Il pourrait être perçu depuis une montagne, ou depuis un avion qui s’apprête à atterrir. Il est à la fois calme et agressif, comme la plupart des actualités qu’on voit au travers de la télévision, dans le confort douillet de son petit chez soi. Cerné par un ciel brumeux et une étendue grise dont on ne sait si elle est végétale ou minérale, l’horizon y est en feu. Ça pourrait être un coucher de soleil. Ça pourrait être aussi un objet ou un ensemble d’objets en incandescence. Un incendie de forêt ou une ville en feu. Je sens vaguement l’odeur du brulé. Je tends l’oreille. Une clameur monte à moi. Elle se fait petit à petit plus précise.

C’est Babylone. C’est Babylone qui brule. Comme le chantaient The Ruts :

Jean-Christophe Ditróy jusqu’au 31 décembre 202
à la galerie Raulin-Pompidou, 37 rue Chanzy, 75011 Paris