La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Wenjue Zhang à la Galerie Satellite et Kimijima Tatsuhiro à l’Espace Linda Farrell

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J’aime tellement voyager qu’une carte géographique suffit pour me faire rêver. Je peux passer des heures à scruter chaque page d’un atlas ou à étudier le plan d’une ville. Je m’imagine dans des paysages lointains, héros au milieu des steppes inamicales, aventurier dans la jungle, ou explorateur dans un dédale de rues surpeuplées et aux parfums inconnus. Même un plan de métro me fait rêver.

Pourtant, pendant longtemps, je suis resté viscéralement enchaîné à Paris. Lorsque je dirigeais des discothèques, la moindre excursion en dehors de la capitale pouvait amener à mon remplacement par le premier intriguant venu. Je me contentais de voyager dans les yeux de mes interlocutrices et n’ayant jamais répugné aux amours quelles qu’elles soient, y compris lorsqu’elles étaient tarifées, j’ai bien exploré ainsi, à ce jour, une trentaine de pays.

Lorsque j’ai commencé à voyager pour de vrai, j’ai continué à me laisser souvent guider par mon sexe et je n’en ai jamais été déçu. J’ai ainsi accumulé des souvenirs où se mêlaient inquiétude et sensualité, qui m’ont laissé le sentiment d’avoir vécu des moments uniques. Je me suis retrouvé, avec deux jeunes femmes, à trois sur un vélomoteur, la nuit à Saigon, à traverser des autoroutes vides. Sur le moment, je n’étais pas très rassuré. Pas plus que lorsque je me suis laissé entrainer dans le minuscule appartement de deux chinoises à Dubaï, emmené par un chauffeur de taxi émirati que la situation agaçait profondément. De façon moins risquée, mais tout aussi voluptueuse, j’ai partagé, à Bruxelles, un gâteau avec des prostituées roumaines pour l’anniversaire du fils de l’une d’elles resté au pays, dans une ambiance à la fois festive et mélancolique.

Aujourd’hui, c’est destination Japon : je me dirige vers la galerie Satellite au 7 et 9 rue François de Neufchâteau, dans le XIème arrondissement, dirigée par une authentique japonaise, pour le vernissage d’une exposition collective étrangement intitulée « 5 Femmes + 1 trans » puis je vais à l’Espace Linda Farrell, au 31 rue de Longchamp, dans le XVIème arrondissement pour un cocktail d’ouverture de « Saito Hideo et ses amis ».

Cela fait longtemps que je souhaiterais visiter le Japon, mais pour l’instant, ça n’a pas été possible. L’expérience la plus poussée que j’ai eu de ce pays lointain, c’est la rencontre par le biais d’une petite annonce d’une étudiante nipponne à Paris qui souhaitait améliorer ses finances et dépasser les limites de l’interdit, sans qu’elle sache vraiment lequel de ces deux objectifs l’emportait sur l’autre. Je m’étais retrouvé dénudé chez elle, dans une chambre d’un foyer étudiant tout neuf dans le XVIIIème arrondissement, mais au dernier moment, après qu’elle m’ait précisé être fille d’un éminent médecin de Tokyo et avoir reçu une éducation bourgeoise ultra-traditionnelle, la peur de braver les interdits l’avait poussée à refuser d’aller au bout de son fantasme. Malgré la contribution -plutôt modeste, heureusement- que je lui avais versé, j’avais accepté de ne pas aller beaucoup plus loin et nous avions transigé pour une relation sexuelle dégradée. Je n’avais pas pu visiter mon 31ème pays. J’en étais parti, partagé entre la frustration et la délectation d’avoir vécu une rencontre incongrue et finalement assez intense. Je pense qu’il en était de même pour mon hôtesse.

J’arrive à la galerie Satellite qui est composée de deux boutiques indépendantes. Dans la première est exposé le dessinateur Akira Nishiyama, venu spécialement du Japon, qui me montre ses cerfs-volants et ses illustrations magistrales de créatures extraterrestres et sous-marines. Dans la deuxième, se trouvent les cinq femmes et le transsexuel dont on fête le vernissage. J’aime beaucoup la galerie Satellite qui propose régulièrement des artistes français ou asiatiques, avec des œuvres de toutes tailles et à tous les prix. C’est l’une des rares galeries à Paris où l’Art est accessible même pour les toutes petites bourses.

Je suis attiré par un mur de photos de l’artiste chinoise Wenjue Zhang, qui expose également, à côté, ses dessins et ses aquarelles. Il s’agit d’une série d’autoportraits où on ne voit que sa tête qui exprime à la fois l’extase et la souffrance. On devine son corps nu en pleine jouissance. L’artiste nous met à la place du voyeur, mais d’un voyeur qui ne verrait que la partie avouable des choses.

 NudeoExpo4 Exposition Paris Art Erotique Nu BDSM Fetichisme Dessin Peinture Performance Photographie Sculpture Tatouage EroticPhoto Arnaud-Louis CHEVALLIER
Galerie Satellite

Je file vers l’Espace Linda Farrell qui est également très intéressante, avec en période faste, de nouvelles expositions chaque semaine et un vernissage le mercredi. L’endroit est raffiné et élégant. J’y ai vu précédemment des expositions collectives d’artistes japonais, chinois, coréens, singapouriens, ainsi, dernièrement, qu’un passionnant travail photographique sur la reconstitution de moments de vie d’une geisha.

Aujourd’hui, de multiples œuvres sont exposées à côté de celles de Saito Hideo. Dès la porte d’entrée, je tombe en admiration devant un portrait peint par Kimijima Tatsuhiro représentant une jeune femme européenne. Le directeur de la galerie me dit qu’il s’agit d’une allemande qu’il a lui-même rencontrée mais que l’artiste a su mettre en exergue sa beauté et son charisme. Effectivement, je me sens quasiment hypnotisé par son regard distant et à la fois lourd de désirs. J’imagine les relations que l’on peut avoir avec elle, bouillonnantes et polaires.

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Photo Arnaud-Louis CHEVALLIER
Espace Linda Farrell

Et s’il n’y avait de moment fort que lorsqu’il y a ambivalence de sentiments ?

Wenjue Zhang à l’exposition collective « 5 Femmes + 1 trans » jusqu’au 8 novembre 2024,

à la galerie Satellite, 7 et 9 rue François de Neufchêteau, 75011 Paris

et Kimijima Tatsuhiro à l’exposition  « Saito Hideo et ses amis » jusqu’au 27 octobre 2024,

à l’Espace Linda Farrell, 31 rue de Longchamp, 75016 Paris