Il fait beau. J’ai reçu une invitation pour le lancement d’une nouvelle marque de joaillerie, Sœur et mer, dans un showroom au fond d’une cour, au 6 place de la Madeleine, dans le huitième arrondissement. J’arrive à l’entrée du lieu et suis accueilli chaleureusement par une attachée de presse qui me propose de poser devant une photographe qui immortalise tous les convives. Je salue ensuite les personnes que je connais et qui sont arrivées avant moi : il y a des journalistes, des artistes et des habitués des réceptions mondaines. Autrefois, on les aurait appelés les « branchés », mais depuis que le terme a été galvaudé par Yves Mourousi lors d’une interview de François Mitterrand en 1985, il ne veut plus dire grand-chose. Et il me semble d’ailleurs être totalement inconnu des jeunes générations.
Je rentre à l’intérieur de la boutique où le champagne coule à flot. La créatrice de la marque nous réunit successivement en petits groupes pour nous expliquer les influences et les caractéristiques de sa collection. Elle a toujours été fascinée par la mer et s’est inspirée d’une composante du plancton, les diatomées, qui sont des algues microscopiques aux formes géométriques, pour dessiner ses bagues, bracelets et colliers. Elle présente, devant un auditoire conquis, un épais livre d’art rempli de photographies de ces minuscules organismes et présente quelques-unes de ses créations élégamment mises en scène dans des vitrines.
Les joyaux sont délicats et gracieux, leurs formes sont douces et originales et leur prix abordable pour des pièces en or. Par ailleurs, la marque soutient la fondation Tara Océan, fondée en 2003 par Agnès B. qui mène des actions pour la sauvegarde de la biodiversité marine.
Je prends congé et me dirige vers un tout autre univers, celui de l’artiste Al Tatou qui présente ses peintures à la Maison des Communistes du 20ème arrondissement, 3 place des grès à Paris. J’aime bien ce lieu constitué d’une grande salle un peu décatie, donnant sur un carrefour paisible qu’on croirait au centre d’un petit village à la campagne. C’est un vestige des temps héroïques où le PCF comptabilisait plus de 20% des voix partout en France et où il avait investi dans des lieux de ralliement dans chaque arrondissement de l’est parisien pour y distiller la bonne parole.
Je me souviens que la première fois où j’ai découvert cet espace, havre de paix champêtre en plein cœur de Paris, c’était à un réveillon du jour de l’an, avec la photographe Jessica Forde qui préparait une exposition sur mes différentes vies parallèles et qui souhaitait y retrouver sa cousine, alors que nous avions sillonné les fêtes les plus chics et les plus mondaines de la capitale. C’était un retour bienvenu aux sources du monde des travailleurs dont nous sommes issus, pour la plupart d’entre nous. Et nous avions -déjà- le plaisir de connaitre à peu près tout le monde.
A l’entrée de la salle, je rencontre des membres du groupe graphiste punk Bazooka, en particulier Olivia Clavel dont j’ai parlé du magnifique travail dans une précédente chronique. Je salue également Cédric Chotel, artiste-photographe des manifestations et des personnalités publiques. Je discute avec nostalgie avec quelques anciens punks dont Marsu que j’ai connu du temps de Lucrate Milk, avant qu’il ne s’occupe de Berurier Noir.
En plus d’exposer ses œuvres, Al Tatou nous propose un mini-concert. Elle reprend quelques morceaux, en particulier « L’internationale » dont elle ne chante que l’air sans les paroles, au son d’un excellent guitariste rock derrière elle. C’est ludique et bon enfant et ses visiteurs sont ravis.
Les toiles qu’elle a accrochées aux murs sont toutes intéressantes et mêlent des techniques parfois très différentes : il y a des peintures, des collages, des matériaux détournés… C’est séduisant et plein d’humour. J’apprécie en particulier un portrait d’Elvis Presley avec un presse-agrume en-dessous de sa tête, intitulé « Elvis the juicer ». Pour ma part, je préfère l’appeler Elvis Presse-les (agrumes)…
J’aime passer d’un environnement à un autre. J’ai eu la chance de pouvoir le faire toute ma vie, en ayant des activités professionnelles parallèles ou successives parfois aux antipodes. J’aime rencontrer des personnes de milieux différents : des notables, des artistes, des marginaux, des truands, des allumés. Et c’est toujours intéressant de comprendre leurs visions du monde, parfois complètement antagonistes. Un même fait peut générer des réalités opposées. C’était le mode de vie des branchés au début des années 1980. Il y en avait au total une centaine, ayant parfois une activité diurne banale, mais la présence d’un seul d’entre eux à un événement lui conférait instantanément le caractère d’être à la mode.
Le luxe, aujourd’hui, c’est l’espace et Paris est mon domaine. Et quand ça ne suffit pas, je voyage. Mais le luxe, c’est aussi de pouvoir aller n’importe où et de s’y sentir bien.
Sœur et mer sur https://www.soeuretmer.com
Al Tatou jusqu’au 29 mai 2025
à la Maison des Communistes du 20ème, 3 place des Grès, 75020 Paris