La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Shinji Nagabe à la 193 gallery – Alice Gauthier à la galerie Dilecta – Fred Atlan à la galerie Rachel Hardouin

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Aujourd’hui, les « galeries du Haut-Marais » proposent de multiples vernissages. Autrefois, le quartier s’appelait Strasbourg-Saint-Denis, du nom des deux boulevards qui se croisent à angle droit et qui donnent son appellation à la station de Métro qui s’y trouve. C’est le quartier des 120 Nuits, ma première boite de nuit, à quelques centaines de mètres du Rex, du Palace, des Bains Douches, du feu-Rose-Bonbon et du non moins regretté Opéra-Night. C’est maintenant plus chic de se référer au lointain quartier du Marais, délaissé par les élites au profit du Faubourg Saint-Honoré dès la moitié du XVIIIème siècle puis des Grands-Boulevards à partir de la fin du XIXème. Le quartier dominé par les communautés gays est actuellement considéré comme plus chic que le secteur qui a vu s’épanouir le dadaïsme puis le surréalisme.  C’est une simple question de perception…

Je commence ma tournée par la 193 gallery, au 24 rue Béranger, dans le troisième arrondissement. J’apprécie ce vaste espace d’exposition qui s’étend également de l’autre côté de la rue, au 21, et qui met à l’honneur des artistes toujours originaux et enthousiasmants, venus la plupart du temps des Caraïbes, d’Afrique ou d’Amérique Latine. Présente également à Venise et à Saint-Tropez, la 193 gallery participe à de nombreux salons tout autour de la planète, et reflète bien, dans sa programmation pointue et soignée, les grandes tendances du moment. L’exposition en cours, intitulée « Entre trópicos » nous fait notamment découvrir Shinji Nagabe, un brésilien d’origine japonaise. Il nous propose des œuvres grandioses avec plusieurs strates d’étoffes transparentes comme si la perception des choses qu’il nous faisait partager était une accumulation d’informations sous des prismes différents. Exactement comme ce que ressent une personne multiculturelle qui interprète son environnement au travers des différentes échelles de lecture issues à la fois de ses origines et du milieu dans lequel il baigne.

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J’apprécie sa composition intitulée « L’exotique » devant laquelle les visiteuses aiment à faire des selfies, mais je suis plus touché encore par « America latina » qui exhibe un plantureux fessier féminin légèrement voilé par un collant résille, derrière un rideau transparent rosâtre. Ça me rappelle la plage de Copacabana où les cariocas étalent leur fondement selon les normes brésiliennes, c’est-à-dire aux dimensions énormes. La posture des jambes, prêtes à danser, me rappelle aussi une rencontre abrupte et délicieuse dans un bar de Pánama Ciudad, avec une costaricaine qui y faisait des strip-teases. L’un des premiers titres chantés par Lizzy Mercier Descloux, qui ressemblait vaguement à la musique sur laquelle elle dansait revient à ma mémoire et trotte dans ma tête (https://youtu.be/JmcgBFEVwM4).

Je poursuis ma route, infatigable voyageur des festivités parisiennes, et me retrouve à la galerie Dilecta, au 49 rue Notre-Dame de Nazareth, toujours dans le troisième arrondissement de Paris, où est exposée Alice Gauthier. Elle réalise des œuvres sur papier en utilisant à la fois de la gouache et de l’encre qui lorsqu’elles se rencontrent, se mélangent et forment des figures aléatoires. Elle apprécie de donner vie à des images dont elle ne maîtrise pas le rendu final exact.

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Pour montrer de façon exhaustive ce mariage incertain entre l’encre et le gouache, elle a accroché deux tableaux sur fond transparent perpendiculairement au mur, de part et d’autre d’une autre de ses compositions, afin qu’on puisse voir leur recto et leur verso. Je trouve cette idée intéressante puisqu’elle permet une multitude de perceptions à partir d’une même toile, selon qu’on la regarde par devant, de côté, par derrière et qu’il y a du monde ou non dans l’axe de la vision. Un même objet devient pluriel et changeant, comme l’est une même vérité vue par plusieurs personnes.

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Je me dirige maintenant vers la galerie Rachel Hardouin, située au 4ème étage du 15 rue Martel dans le dixième arrondissement. La galerie n’est pas associée aux vernissages du Haut Marais mais elle en est géographiquement suffisamment proche pour qu’on s’y arrête. J’ai déjà parlé de cet espace atypique dans mes chroniques car il s’y passe régulièrement des événements vraiment intéressants. C’est le cas de l’exposition qui s’y déroule autour des œuvres du photographe Fred Atlan. Avec une maîtrise exceptionnelle des techniques de prise de vues, il récupère avec son objectif une multitude d’images d’un amas de bouts de carton et d’aluminium entreposé dans un coin de sa cuisine pour en obtenir, au final, une représentation abstraite et légèrement floue d’une nouvelle réalité fantasmée.

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Celle que je préfère des trois œuvres qu’il a intitulées « Déliquescence » en est une illustration parfaite. Le résultat, qui ressemble à une colline étrangement contenue dans une sorte d’enclos carré et qu’on imagine onduler sous l’effet du vent n’est en fait qu’un tas de papiers dans un couvercle en carton. Les pigments blancs qu’on imagine être des morceaux de glaciers sont obtenus grâce aux reflets d’un bout d’emballage en aluminium. Avec Fred Atlan, la banalité est transcendée, le monde qui nous entoure devient riche de multiples vies qu’on n’osait même pas imaginer, et le quotidien se mue en merveilleux, à l’image de la quête incessante d’André Breton. C’en est la démonstration éclatante : la vérité n’existe pas. Seule la perception compte.

Shinji Nagabe jusqu’au 30 août 2025, à la 193 gallery
24 rue Béranger, 75003 Paris

Alice Gauthier jusqu’au 14 juin 2025, à la galerie Dilecta
49 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 Paris

Fred Atlan à la galerie Rachel Hardouin, jusqu’au 16 juin 2025
15 rue Martel, 75010 Paris