La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Ryoko Shinohara à l’Association culturelle franco-japonaise de Tenri – Tay Poi San à la Vanities gallery – Sue Park à la galerie Hors-Champs

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Dans les années 1980, je fréquentais déjà assidûment les vernissages. On y croisait les « En Avant Comme Avant » avec en têtes de gondole, Titus et Blaise, toujours étonnants. On côtoyait les vieux de « la bande des Piques ». On repérait les sublimes demoiselles fortunées du Caca’s Club de Fréderic Beigbeder. Et je retrouvais mes complices Natan, toujours élégant, Marc et son éternel blouson de cuir et Foc avec son appareil photo.

Nous avions tous des motivations différentes : Natan, dandy dans l’âme, cherchait à séduire de nouvelles jeunes filles ; Marc, quinquagénaire ayant fait fortune en déposant un brevet sur une technique de refroidissement des centrales nucléaires et qui depuis menait une vie oisive aux côtés de jeunes comédiennes, venait pour parader et les distraire ; Foc faisait des photos qu’il vendait à la pige… Pour ma part, j’aurais bien aimé charmer des amoureuses d’un soir comme Natan, mais ma force d’attraction était beaucoup plus faible. Je transformais mes déceptions en chiffre d’affaire, puisque je finissais par clore ma discussion infructueuse en cédant, bon prince, quelques invitations pour mes boites de nuit. Moyennant quoi, à raison d’une vingtaine d’échecs amoureux par vernissage, je remplissais mes soirées des jeunes filles les plus divines que Paris pouvait compter.

C’était l’époque des artistes américains triomphants : dans le sillage d’Andy Warhol et de Roy Liechtenstein, on exposait à Paris et -on pouvait croiser- Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Kenny Scharf, Futura 2000 et bien d’autres…

Aujourd’hui, l’art venu des Etats-Unis se fait rare dans les galeries de la Capitale. Après une période où ce sont les artistes russes et ukrainiens qui ont eu le vent en poupe grâce, notamment, à l’apparition de riches collectionneurs venus de l’est de l’Europe, l’heure est venue pour les artistes orientaux d’être exposés à Paris.

Je profite de la clémence du temps pour me rendre à pied à l’Association culturelle franco-japonaise de Tenri, au 8 à 12 rue Bertin Poirée dans le premier arrondissement. Au sous-sol de cet établissement d’enseignement supérieur privé où on dispense notamment des cours de japonais, Ryoko Shinohara expose ses magnifiques toiles verdoyantes. Elle s’est installée en France depuis quelques années et nous propose sa vision remplie d’influences japonaises sur la nature qui nous entoure, en particulier en Aveyron où elle aime séjourner l’été. Ses fresques sont mates mais d’une luminosité éclatante grâce aux techniques spécifiques qu’elle emploie, avec un enduit de fond en stuc ou l’utilisation de washi, papier japonais de chanvre blanc et l’utilisation de pigments et de caséine qu’elle mélange elle-même.

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Un spectacle de la magnifique danseuse contemporaine Mary Katakura apporte une touche supplémentaire de grâce et de légèreté, à cette exposition intitulée « le plaisir de vivre ». Effectivement, l’ensemble procure une sensation de bonheur irradiant.

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Je poursuis ma visite en Orient à pied, et me rends à la Vanities gallery, située 17 rue Biscornet dans le douzième arrondissement pour découvrir l’œuvre du peintre malaisien Tay Poi San. C’est l’un des maîtres contemporains de la peinture à l’encre, dans la lignée des grands artistes de l’école de Nanyang. Les tableaux qu’il nous propose dans cette exposition intitulée « Les rivières de l’encre : l’héritage en mouvement » allient techniques séculaires et inspiration contemporaine : ils montrent dans de multiples variations, cinq chauves-souris rouges qui tournoient en rond sur des fonds morcelés mais envoutants. Derrière ces représentations, se trouvent de nombreux symboles bénéfiques : en Chine, les chauves-souris sont synonymes de bonheur ; le chiffre 5 représente l’équilibre et l’harmonie ; la couleur rouge est associée à la chance et est censée éloigner les mauvais esprits ; le cercle figure l’harmonie, l’équilibre du yin et du yang et la dualité de la nature. Lors d’un mariage chinois, il est d’ailleurs de coutume d’offrir aux jeunes mariés une assiette représentant cinq chauves-souris pour les cinq bénédictions de l’existence, à savoir longue vie, richesse, santé, amour et mort naturelle. Les tableaux de Tay Poi San sont des porte-bonheurs.

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Je termine ma course orientale à la galerie Hors-Champs, au 20 rue des Gravilliers dans le troisième arrondissement où la curatrice coréenne Youngsook Son investit chaque année le lieu pour y présenter un ou une artiste parmi ses compatriotes. En l’occurrence, il s’agit Sue Park qui réalise de superbes photographies sur des lieux tout autour de la planète. Il y a des vues de France, de Californie, d’Amérique centrale, et bien sûr d’Asie. Pour ma part, je m’arrête devant une superbe vue en noir et blanc d’un paysage sud-coréen sous la neige. On y voit un arbre majestueux auquel mènent des traces de pas. C’est sobre et apaisant et, malgré la neige, presque chaleureux.

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Les États-Unis, jadis fer de lance de la création grâce à des artistes contestataires, engagés et ouverts sur le monde se sont refermés progressivement sur eux-mêmes. Il se sont englués dans un confort bouffi où seuls comptent l’aisance matérielle à court terme, et la pensée binaire émotionnelle véhiculée par Internet et les Réseaux sociaux. C’est, bien entendu, très antérieur à l’élection de Donald Trump qui n’en est que la conséquence. Autrefois, avant même d’être des acteurs économiques incontournables, les États-Unis dominaient une partie de la planète, avant tout par le rêve et l’esprit de liberté qu’ils véhiculaient au travers de leur influence culturelle. Aujourd’hui, ce sont les pays d’Asie qui conquièrent le monde de l’art et ils nous envoient des messages de bonheur.

Ryoko Shinohara jusqu’au 31 mai 2025 à l’Association culturelle franco-japonaise de Tenri
8 à 12 rue Bertin Poirée, 75001 Paris

Tay Poi San jusqu’au 2 juin 2025 à la Vanities gallery
17 rue Biscornet, 75012 Paris

Sue Park jusqu’au 4 juin 2025 à la galerie Hors-Champs
20 rue des Gravilliers, 75003 Paris