La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Olivia Clavel à Château Form’ Monceau dans une exposition organisée par Frédéric Roulette

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Nous sommes mardi. D’habitude, J’ai une multitude de festivités qui me sont proposées car c’est, avec le jeudi, le jour de prédilection pour les vernissages. Mais aujourd’hui, j’ai beau regarder mes emails et mes diverses messageries, je n’ai pas grand-chose : l’ouverture d’une exposition collective dans un centre culturel d’arrondissement de la ville de Paris, avec sans doute du mauvais vin et des biscuits d’apéritif sans saveur, une autre en lointaine banlieue, une soirée autour d’un acteur américain dont je n’ai jamais vu le moindre film, qui plus est, dans une minuscule galerie du Marais où on va sans doute risquer l’asphyxie, et un anniversaire d’une personne que je connais fort bien, mais dont rien ne m’indique expressément que j’y suis invité ni même bienvenu…

Je ne suis plus aussi aventurier qu’avant. Avec l’âge je me cantonne aux endroits où je suis sûr d’être bien accueilli. Pourtant, je l’ai toujours été, même quand je prenais plus de risques. Je me souviens, à la fin des années 1980, être allé avec ma compagne de l’époque, à une soirée organisée par une grande maison de disques, en banlieue parisienne. Une fois entrés dans le lieu de fête, nous nous étions aperçus qu’il s’agissait d’un dîner assis, avec une dizaine de tables dressées où les convives avaient déjà largement commencé leur repas. Nous voyant encore debout, le maître d’hôtel nous avait fait dresser une table en urgence au milieu de la salle. A la fin du dîner, les divers amis que je connaissais dans l’assistance étaient venus nous saluer, hilares, en nous disant que tous les autres se demandaient quelles personnes si importantes nous pouvions être pour avoir présidé le repas.

Dans le courant de l’après-midi, de nouvelles propositions affluent : une galerie intéressante à côté de chez moi me convie à un vernissage, un magasin d’appareils photo organise une soirée autour de la promotion de l’un de ses appareils, une association d’architectes m’envoie une invitation pour son évènement le soir… Et je découvre sur Facebook un vernissage pour une exposition d’Olivia Clavel et de Sandrine Enjalbert au Château Form’ situé 4 place Rio de Janeiro, à l’entrée du Parc Monceau, organisée par le galeriste d’Art Contemporain Frédéric Roulette.

Mon choix est fait : je vais voir Olivia Clavel avec qui j’ai toujours plaisir à discuter et dont j’apprécie le travail depuis longtemps. Avec ses camarades du groupe graphique punk Bazooka qui a investi le quotidien « Libération », à la fin des années 1970, elle a révolutionné l’art d’illustrer un journal, avec des dessins à la fois très technologiques et pleins de sensualité.

Depuis plusieurs décennies maintenant, elle est peintre « à temps plein » et propose des toiles lumineuses et colorées, avec souvent une pointe de sarcasme ou de dérision. C’est dans ce sens qu’elle a créé un personnage récurrent, Télé, qu’on voit dans plusieurs de ses tableaux, qui a un corps humain mais une tête à l’intérieur d’un poste de télévision. Pour moi, c’est un clin d’œil à l’omniprésence des écrans dans nos vies. C’est aussi une façon ironique de marquer la distance que l’on a par rapport à ce qu’elle peint. Le mouvement punk dont elle continue à se revendiquer a fréquemment manié l’humour en plus de la provocation.

Nous nous retrouvons devant l’une de ses œuvres, intitulée « La Fada ». On y voit une femme nue, comme une banane flottante, tout en jaune, qui plane au-dessus d’un jardin paradisiaque et chaotique sous les yeux émerveillés de Télé. Le titre me renvoie à toutes les personnes hors normes que j’ai pu croiser dans ma vie, que ce soit quand j’étais enfant, parmi les clients de ma mère, alors avocate de la Ligue des Droits de l’Homme, ou plus tard, quand j’ai dirigé des discothèques distroys. Des dingues, j’en ai rencontrés par centaines, avec des troubles multiples et à des degrés différents : des névrosés, des schizophrènes, des psychotiques, des bipolaires, des hystériques, des paranoïaques, des personnes délirantes, des déviants…

Je me souviens en particulier des performeuses qui sont passées aux 120 Nuits qui captivaient le public comme « La Fada » avec Télé. Elles avaient toutes un coté déraisonnable : la belle Loredana qui dansait langoureusement sur une banane géante, Greta qui se faisait envoyer des sceaux de peinture multicolore sur son corps nu alors qu’elle était attachée à un piquet, Aurélie qui jouait les femmes de Cro-Magnon, enfermée dans une cage, et qui n’hésitait pas à boire puis uriner devant les clients…

On a tous une part de folie. C’est ce qui pimente la vie. Mais elle est nécessairement plus développée dès qu’on est artiste.

Olivia Clavel et  Sandrine Enjalbert sont exposées jusqu’au 5 novembre 2024
au Château Form’ Monceau, 4 place Rio de Janeiro, 75008 Paris.

Visite sur rendez-vous avec
Frédéric Roulette (cf. http://www.galeriefredericroulette.com/contact-infos-pratiques/ )