La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: O’Gringo à la galerie Ariel Jakob

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Aujourd’hui, j’ai plus de cinquante festivités au programme. Je ne pourrai pas aller partout : je n’ai qu’un seul foie et je n’ai pas le don d’ubiquité. J’envisage d’enchainer plusieurs galeries accessibles à pied les unes par rapport aux autres. La marche m’aidera ainsi à atténuer les effets néfastes de l’alcool. Je reste toujours droit, grâce à mon fidèle parapluie, meilleur ami de l’homme dans les vernissages. Il me permet, en plus, en faisant quelques tourniquets, d’effrayer les cyclistes et le trottinettistes et de me frayer un chemin parmi ces engins barbares lorsque je traverse une rue : leur conducteur ne respecte, le plus souvent, que la force.

Je me rends rue des Filles du Calvaire où je visite deux galeries, puis me dirige rue Saint-Gilles, où j’en vois deux autres. J’y croise, évidemment, une multitude de connaissances avec qui nous devisons joyeusement sur les œuvres exposées, sur les festivités de la veille et de l’avant-veille et sur le programme des réjouissances du lendemain. On s’échange des informations sur les prochains vernissages : nous sommes plutôt bien organisés, pour le bonheur des promoteurs d’évènements car il n’y a rien de plus tragique et anti-commercial que de n’avoir personne à une inauguration quelle qu’elle soit.

On me signale une manifestation digne d’intérêt rue de Turenne, à deux pas. Chemin faisant, je m’arrête d’abord à un premier espace où je retrouve des personnes que j’avais vues dans l’un des précédents lieux visités, puis dans un autre où on propose du pop-corn. J’arrive enfin à destination : il s’agit de la deuxième galerie Ariel Jakob (également présente au 28 place des Vosges), au 10 rue de Turenne dans le IVème arrondissement, qui propose une exposition intitulée « Emotions » sur l’artiste Bastien Tomasini alias O’Gringo.

Il y expose des œuvres monumentales en faïence, largement inspirées des azulejos portugais, ces carreaux bleus finement travaillés qui tapissent tous les palais lusitaniens, que ce soit à Lisbonne, Porto, Funchal, Rio de Janeiro, Luanda, Maputo ou Macao. Utilisant les techniques ancestrales du genre, il insuffle un vent novateur avec des créations pleines de sensualité représentant des visages ou des personnages entrant en relation avec les dessins géométriques traditionnels des azulejos. C’est à la fois grandiose, moderne et ancré dans notre passé artistique collectif.

Son œuvre intitulée « Océane » représente la tête d’une jeune femme brune, partiellement masquée par des motifs géométriques, comme des tatouages, et dont les yeux -bleus, évidemment- appellent hypnotiquement à une noyade sensuelle irréversible.

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C’est comme le morceau de Noir Désir « Où veux-tu qu’je r’garde » admirablement repris par le groupe de bossa nova-rock Nouvelle Vague.

Je me remets de mon émoi avec une dernière coupe de champagne et décide de rentrer chez moi. Je croise un groupe de jeunes en survêtement. Plus loin, mon regard est irrésistiblement attiré par des jambes nues. L’espace d’un instant je repense à celle qui se fait appeler Barbara dont on parle dans la chanson qui trotte encore dans ma tête, mais en y regardant de plus près, elles appartiennent à un homme en bermuda. Je déteste voir des jambes pleines de poils.L’alcool aidant, je commence à ressasser l’inélégance de la période actuelle. Comment peut-on devenir aussi asocial et méprisant d’autrui dès qu’on est sur un vélo ou sur une trottinette ? Comment peut-on sortir en survêtement en dehors d’un stade ? Comment peut-on porter une tenue de plage, en plein Paris alors, qui plus est, qu’il fait déjà bien froid ?

Je vois une foule amassée devant un opticien. Une exposition y a été organisée autour de bijoux et de photos d’Art. On m’invite à boire un verre. Je trouve formidable que des lieux qui ne sont pas expressément prévus pour ça proposent, eux aussi, de s’ouvrir sur des œuvres artistiques. Paris n’est plus aussi élégant qu’avant, c’est vrai, mais Paris reste une fête.

O’Gringo et son exposition « Emotions » jusqu’au 2 janvier 202
à la galerie Ariel Jakob, 10 rue de Turenne, 75004 Paris