La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Numa Roda-Gil à la galerie AVM

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Je suis revenu à Paris. Dans la torpeur de l’été, je consulte les Réseaux Sociaux sans grand espoir d’y trouver une information intéressante. Je sais que la plupart des gens que je connais sont encore en vacances. Je me contente de contempler les photos de naïades dénudées qui me sont poussées par les algorithmes qui connaissent parfaitement mes goûts. Et puis, soudain, l’annonce d’un vernissage : celui de mon ami Numa Roda-Gil qui expose à la galerie AVM, 42 rue Caulaincourt à Paris.

Numa a été l’un des premiers à organiser, dans les années 80, des « one-night-clubs », c’est-à-dire des soirées, une fois par semaine dans un lieu donné. Il s’agissait de « l’Acid Rendez-vous », d’abord dans la minuscule salle du Tabou, rue Dauphine, ancien repaire des zazous puis des existentialistes, définitivement fermée dans les années 90, puis à la Java, rue du Faubourg du Temple. Je me souviens toujours, avec émotion, des jolies jeunes filles court vêtues qui se trémoussaient dans ses soirées sur des airs psychédéliques, à la recherche du temps perdu des beatniks et des premiers hippies. C’était la fête. C’étaient les contacts faciles et des torrents de sensualité qui se déversaient sur tous les corps.

Depuis, Numa peint. Il compose des tableaux à la gouache sur papier kraft ; il réalise des lithographies majestueuses ; il propose des œuvres sur bois découpé représentant des animaux, associés des articles de grande consommation… L’ensemble est ludique, toujours plein de références, et d’une grande précision, à la limite de l’hyperréalisme, comme s’il arrivait à photographier ses souvenirs.

Les dernières expositions de Numa avaient lieu dans un garage, dans le XVème arrondissement, avec une ambiance à la fois chic et rock’n roll. Cette fois, cela se passe dans une galerie plus traditionnelle, dans le quartier des producteurs de cinéma, derrière la butte Montmartre, dans le XVIIIème. J’aime bien ce secteur, rempli de terrasses agréables et d’établissements de qualité derrière des façades faussement désinvoltes. J’y suis venu assez souvent voir Jessica Forde qui y habitait, lorsqu’elle a préparé, il y a une quinzaine d’années, une exposition de photographies sur moi et mes vies parallèles, sous le nom de Mr C.

Dans la galerie sont accrochés les derniers exemplaires non encore vendus des animaux sur articles de supermarché, ainsi que des fresques sur papier kraft dont un fait référence à l’Acid Rendez-vous. Une autre artiste, Sandra Voodoo, propose également des poupées en toile de jute pour y planter des épingles de bonheur.

Je m’arrête sur un tableau de Numa qui représente les différentes acolytes de John Steed dans « Chapeau Melon et bottes de cuir » (« The Avengers » en anglais). J’adorais cette série qui était intensément suivie en France dans les années 70. Sous des airs inoffensifs, elle promouvait d’étonnantes déviances : le fétichisme et le BDSM avec les tenues en cuir d’Emma Peel, l’amour des très jeunes filles, avec la fraicheur et l’ingénuité de Tara King, le triolisme et le candaulisme avec l’arrivée de Gambit aux côtés de Purdey. Un instant, je replonge dans un passé où l’on ne parlait pas des choses aussi explicitement qu’aujourd’hui mais où on était néanmoins beaucoup plus libre. C’était une époque joyeuse et irrévérencieuse.

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Photo Arnaud-Louis Chevallier
« Chapeau melon et bottes de cuir » 

Numa ou le temps retrouvé

Numa à la galerie AVM, 42 rue Caulaincourt, 75018 Paris, jusqu’au 1er septembre 2024