Je suis de nouveau à Paris après un excellent séjour sur mes terres basques. C’est la rentrée depuis la semaine dernière mais j’ai suffisamment d’énergie pour rattraper le temps perdu. Je suis prêt à voguer sur toutes les nouvelles vagues artistiques. J’ai plus d’appétit qu’un barracuda, comme le chantait Claude François avant d’être, lui aussi, emporté par le courant… Et je suis même empreint d’une témérité inhabituelle puisque je suis prêt à me risquer à explorer les zones exotiques que constitue, pour moi, la rive gauche parisienne.
La galerie Vu’ quitte ses anciens locaux de la rue Saint-Lazare pour s’installer au 60 avenue de Saxe, dans le quinzième arrondissement. Pour l’occasion, elle y propose une exposition intitulée « L’épreuve du réel », autour d’Israel Ariño & Clara Gassull, Irène Jonas, Ouka Leele, Rima Samman et Juan Manuel Castro Prieto. Le nouvel espace est vaste et plus aéré que le précédent. J’y retrouve avec plaisir une foule de photographes et d’amateurs d’art, en particulier Bruno Cordonnier qui organise le 25 septembre une signature de son magnifique livre de photos sur la nuit, intitulé « Danser Paris » à l’atelier Surexposés au 3 rue d’Hauteville à Paris.
Au travers des œuvres qu’elle nous montre, la galerie Vu’ propose une réinterprétation du réel par la colorisation. L’ensemble est singulier et les artistes exposés sont tous dignes d’intérêt, mais je n’ai d’yeux que pour les photographies d’Ouka Leele. Elle propose de vastes tirages chromogènes vintages sur papier brillant, ce qui les rend, hélas, difficiles à photographier car on a toujours un reflet des lumières qui les éclairent.
Je m’attarde sur l’œuvre intitulée « Rappelle-toi, Barbara… », peut-être en référence au morceau de Noir Désir « Où veux-tu qu’je r’garde » -à moins que ce ne soit le contraire- qui montre une scène d’après-combat où l’on ne sait si les flèches qui transpercent les flans des corps qui jonchent le sol ont été tirées par Cupidon ou par un farouche ennemi. Mais n’est-ce pas un peu la même chose ?
Puis je m’arrête net, touché moi-même par un flèche assassine, devant la photographie « Madrid » qui montre une femme inspirant une jubilation rabelaisienne, qui sort une magnifique côte de bœuf d’un paquet cadeau. Je m’imagine avec elle dans une resucée de « La grande bouffe » de Marco Ferreri, m’apprêtant à déguster cette viande succulente préparée par ses soins avec des pommes de terre au four, en prélude à des activités plus érotiques. Ça renforce mon envie, en cette rentrée, de mordre la vie à pleines dents. Et je chantonne dans ma tête « La patate » des Garçons Bouchers
Je ne suis pas rassasié. Je me dirige vers l’espace Nikon Plaza, situé au 99 boulevard Raspail, dans le sixième arrondissement où est organisée une petite cérémonie pour présenter les lauréates du concours photo organisé par la revue féministe Gaze. Le premier prix est attribué à Anaïs Armelle Guiraud qui propose une série de portraits de femmes harnachées de corsets, de muselières et de parures BDSM.
Mais mon regard est attiré irrésistiblement par une œuvre étonnante de Marine Foni où l’on voit un gros plan de ses jambes dont l’une se transforme en tranches de charcuterie. Elle l’a réalisée après que des inconnus l’aient apostrophée dans la rue en lui disant que ses cuisses étaient des jambons. Elle conjure ainsi la violence de l’insulte avec un clin d’œil gastronomique : finalement, son corps, on en mangerait.
Il me faut une petite touche de légèreté pour clore ce festin artistique. Je passe justement devant la librairie le Delta, 1 rue Cassette, toujours dans le sixième arrondissement, où je vois, à travers la vitrine, des personnes avec un verre à la main. Je rentre, forcément…
C’est le vernissage de l’exposition d’Ingrid Winkler, intitulée « Traits du vivant ». J’ai toujours beaucoup d’égard pour les lieux qui accordent une place à la peinture ou à la photographie alors que ça n’est pas leur vocation première. Je me faufile entre les livres pour contempler les tableaux que l’artiste a réalisés avec une technique mixte associant peinture et crayons de couleur. L’ensemble est rafraichissant et l’ambiance et bon enfant.
Je m’arrête devant l’œuvre intitulée « Citrons » qui est à la fois d’une apparente simplicité et d’une grande technicité. De Madrid où j’ai fait une halte en début de soirée, je me transporte soudainement dans la région de Santander où je salive devant les citronniers qui s’épanouissent avec volupté. C’est décidé : comme dessert, je prendrai un sorbet au citron.
Exposition « L’épreuve du réel » jusqu’au 18 octobre 2025 à la galerie Vu’
60 avenue de Saxe, 75007 Paris
Exposition du concours photo du magazine Gaze jusqu’au 26 septembre 2025 au Nikon Plaza
99 boulevard Raspail, 75006 Paris
Ingrid Winkler jusqu’au 2 novembre 2025 à la librairie le Delta
1 rue Cassette, 75006 Paris