La chronique d’Arnaud-Louis Chevallier: Biennale de l’Image Tangible à l’Atelier Néerlandais et à la galerie Plateforme

C’est la place la plus centrale de Paris, elle est bordée par deux théâtres grandioses, et pourtant elle parait terne et sans attrait. C’est la place du Châtelet, en éternels travaux, envahie par des hordes de barbares à deux roues. Lorsqu’on demande ce qu’elle a de si particulier pour être connue de tous les franciliens, la seule réponse qui vient en tête c’est que tous les métros passent en-dessous, ce qui reste assez limité en terme d’attrait touristique.

Pourtant, j’y ai de multiples souvenirs. J’y passais à pied, après avoir remonté le boulevard Saint-Michel lorsqu’étudiant au quartier latin, j’allais à la fin des années 1970 à l’Open Market pour découvrir, émerveillé, l’univers bouillonnant du punk et de la contre-culture, avant de me perdre, lorsque mes moyens me le permettaient, dans les bras d’une hétaïre de la rue Blondel. Plus tard, sur les conseils de l’une d’entre elles, j’ai pris mes habitudes au Zimmer, brasserie pas trop onéreuse et néanmoins élégante.

J’ai toujours été fasciné, également, par l’avenue Victoria, voie sombre et discrète qui traverse la place du Châtelet et qui abrite des lieux d’artistes financés par la ville de Paris à son commencement et des établissements improbables à l’autre bout, notamment le bien nommé « Dernier bar avant la fin du monde ». Juste à côté se trouve un hôtel où j’avais réservé une chambre pour Alan Vega lorsque j’avais co-organisé son premier concert à Paris en 1981 dans le cadre de « Rock in Loft ». Il en avait été ravi car il y avait été reçu avec tous les honneurs, comme les cantatrices internationales qui y séjournaient avant de se produire au théâtre du Châtelet voisin.

Au mois de novembre, a lieu la Biennale de l’Image Tangible qui propose plusieurs expositions et événements afin, pour reprendre les termes des organisateurs, de présenter « une sélection d’œuvres qui tendent à s’émanciper d’un usage classique du médium photographique ». Tant le titre que l’explication me paraissent bien absconses et je décide d’en savoir un peu plus. Le vernissage de la première exposition a lieu à l’Atelier Néerlandais, au 22 avenue Victoria, dans le premier arrondissement, juste en face du Dernier bar avant la fin du monde.

C’est un vaste espace lumineux et aéré où les œuvres magistrales de cinq artistes, Esmee Van Zeeventer, Popel Coumou, Marleen Sleeuwitz, Laurent Lafolie et Leyla Cardenas, ont été accrochées à une distance suffisante pour qu’elles puissent être observées individuellement et dans une relative tranquillité, malgré le nombre important de visiteurs.

Pour ma part, je reste en extase devant un tableau de Popel Coumou, juste à côté de l’entrée, aux dimensions imposantes, à la fois coloré et mystérieux. La composition est simple mais efficace. Elle me fait penser à l’avenue Victoria elle-même, large et sombre en ce début de soirée de novembre, avec une porte éclairée qui, allégoriquement, pourrait être l’Atelier Néerlandais, ouvert sur la création et l’art. Sur le tableau, on ne sait pas ce qu’il y a derrière la porte, mais cela illumine le reste de l’espace. Un peu comme une œuvre dont on ne sait pas ce qu’elle cache puisque chacun peut en avoir sa propre interprétation.

Je m’approche du tableau et découvre qu’il est, en fait, constitué de plaques de contreplaqué découpées pour donner l’illusion d’un décor qui parle à tous. Je comprends enfin le nom de la Biennale et constate qu’on a effectivement un résultat quasi-photographique avec des techniques qui n’ont rien à voir avec ce médium. C’est l’explication par l’image.

Je poursuis ma visite avec une attirance toute particulière pour l’univers de plexiglas coloré de Marleen Sleeuwits qui, avec ses œuvres posées sur le mur ou perpendiculaires à celui-ci peuvent, par un jeu de lumière changeant, redéfinir un monde d’enchantement et de félicité. C’est une autre version de ce qui se cache derrière la porte du tableau de Popel Coumou.

Je décide d’aller au vernissage de la deuxième exposition qui a lieu, cette fois, à la galerie Plateforme, 73 rue de Haies, dans le vingtième arrondissement, où sont exposés Céline Guillerm, Florence Pinson Ynden, Olivier Gain et Ming Pang.

Comme à l’Atelier Néerlandais, je m’intéresse à ce qui est à côté de l’entrée. Il s’agit d’une fresque directement apposée sur le mur représentant une partie d’un corps penché. On peut imaginer qu’il s’agit d’une femme, même si l’on n’en est pas vraiment sûr. Comme le fait remarquer le galeriste dans sa présentation, l’artiste, Céline Guillerm, propose une approche sensorielle de la réalité. L’ensemble va, d’après moi, beaucoup plus loin puisque la personne qui est représentée m’apparait, avant tout, très sensuelle. Comme je ne suis guidé que par le désir, je m’imagine que c’est elle qu’on voit au loin, lorsqu’on passe la porte lumineuse de Popel Coumou. Elle brille de mille feux, voluptueuse et accessible, à la condition de trouver la ligne de métro secrète qui amène de Châtelet jusqu’ici…

Prochains vernissages (et stations) de la Biennale de l’Image Tangible :

• 5 novembre 2025 de 18h à 21h à la Fisheye gallery, 2 rue de l’Hôpital Saint-Louis, 75010 Paris,
• 6 novembre 2025 de 18h à 21h à l’Espace Niemeyer, 2 place du Colonel Fabien, 75019 Paris,
• 7 novembre 2025 de 16h30 à 21h au 100 ECS, 100 rue de Charenton, 75012 Paris,
• 8 novembre 2025 de 17h à 21h, à Julio Artist-Run Space, 13 rue Juillet, 75020 Paris.

Biennale de l’Image Tangible
jusqu’au 9 novembre 2025 à l’Atelier Néerlandais, 22 avenue Victoria, 75001 Paris
jusqu’au 23 novembre 2025 à la galerie Plateforme, 73 rue des Haies, 75020 Paris